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ABC et Kostenrechnung : une même finalité, des méthodologies et des apports nettement différenciés

Par Thomas RIMLINGER, Senior Manager



Les méthodes ABC (Activity Based Costing) et Kostenrechnung (littéralement « calcul des coûts », théorisée en Allemagne et très largement employée par les entreprises Outre-Rhin, notamment dans l’industrie manufacturière et assez largement reprise en France également) sont à première vue très similaires. Elles ont en effet la même finalité, à savoir le calcul des coûts complets par produit ou service, qui permet le calcul de la marge unitaire ou la détermination d’un prix de facturation.

Une caractéristique vient renforcer cette impression de similitude dans un premier temps: les deux méthodes reposent sur une architecture à trois niveaux.



Dans l’approche ABC, les ressources (natures de coûts) sont consommées par les activités (qui correspondent globalement en synthèse aux processus de l’entreprise, avec un degré de détail variable, et dans certains cas – modèles IT notamment – aux technologies mises en œuvre), qui sont elles-mêmes consommées par les services ou produits (constituant le catalogue des prestations ou des biens mis par l’entreprise à la disposition de ses clients).


La méthode Kostenrechnung consiste pour sa part à répartir les coûts des Kostenarten (types de coûts), sur les Kostenstellen (vision généralement organisationnelle de l’entreprise) pour les coûts indirects et sur les Kostenträger (littéralement « porteurs de coûts », c’est-à-dire les produits et services) pour les coûts directs. Les Kostenstellen sont dans un second temps également allouées aux Kostenträger en utilisant des clés de répartition.


Dans cette logique, la méthode Kostenrechnung s’apparente à celle des centres d’analyse qui manipule des centres principaux et des centres auxiliaires.


Pourtant des différences importantes séparent les deux approches ABC et Kostenrechnung :


  • La méthode ABC prédispose que 100% des coûts sont alloués à chacune des étapes du modèle. Ainsi 100% des ressources sont réparties sur les activités. Dans la méthode Kostenrechnung au contraire, les coûts directs passent des Kostenarten aux Kostenträger sans transiter par les Kostenstellen, dédiées aux seuls coûts indirects, ce qui rend plus difficile le contrôle de cohérence du modèle.

  • L’approche ABC qui s’appuie sur un principe de consommation entre les différents étages du modèle introduit, de ce fait, un lien technico-économique : les inducteurs qui mesurent la consommation des activités par les produits ou services sont de la responsabilité des acteurs opérationnels en charge des activités concernées. La valorisation en coûts complets des produits ou services est ainsi portée conjointement par les équipes contrôle de gestion et par les équipes opérationnelles.

  • La méthode ABC peut sembler plus normative que l’approche Kostenrechnung :

- Pour qu’un modèle ABC ait un sens, il est impératif que les ressources correspondent aux natures de coûts (vision comptable agrégée, ex : personnel, prestataires, consommables, matières premières, achats de matériels, dotations aux amortissements…), que les activités correspondent aux processus de l’entreprise (ex : assemblage, laminage, ADV, comptabilité fournisseurs…) et que les services représentent les biens ou les prestations proposés aux clients (indépendamment des possibles étapes de réallocation des services, voir ci-après).

- L’approche Kostenrechnung offre elle plus de liberté conceptuelle aux entreprises la mettant en œuvre. En effet, les Kostenarten peuvent correspondre à une vision « comptable » comparable aux ressources d’un modèle ABC, mais ils peuvent également endosser une vision par destination (coûts de production, coûts de distribution, frais généraux, R&D…). Les Kostenstellen offrent elles aussi plusieurs possibilités et correspondent généralement soit aux fonctions de l’entreprise (production, administration, logistique, distribution…), soit aux périmètres de responsabilité managériale et budgétaire (service marketing, service DRH, service comptabilité…), voire à un découpage géographique des activités de l’entreprise (EMEA, USA, Asie…). Les Kostenträger quant à eux recoupent bien la notion de prestation ou de bien.

- Le fait d’adosser le modèle ABC aux activités et processus de l’entreprise le rend pourtant plus pérenne que les modèles basés sur l’organisation, qui évoluent en permanence et rendent difficile le pilotage dans la durée.


  • Enfin, les modalités de réallocation de coûts au sein des différentes étapes varient entre les deux méthodes :

- La méthode ABC, si elle proscrit la réallocation des coûts à l’étape intermédiaire des activités (i.e. : on ne répartit pas le coût d’une activité sur d’autres activités de façon à ce qu’un responsable opérationnel d’une activité ait une vision claire de son coût), rend tout à fait possible des étapes d’allocation successives des coûts des services sur d’autres services. On peut ainsi par exemple passer d’une notion de prestation unitaire (première étape de service) à une notion de produit (ex : dans le cas d’un modèle ABC de coûts informatiques, les coûts Run et Build d’une application calculés à la première étape de service peuvent être rassemblés dans une seconde étape), puis de client (les coûts des produits sont répartis entre les entités qui les consomment).

- Dans la méthode Kostenrechnung au contraire, les réallocations de coûts aux étapes intermédiaires du modèle sont possibles. Une répartition se fait généralement au niveau des Kostenstellen : les coûts des Kostenstellen administratives sont partiellement répartis sur les Kostenstellen des coûts indirects de production (et partiellement directement sur les Kostenträger). Les Kostenstellen des coûts indirects de production étant ensuite allouées elles-mêmes aux Kostenträger.


Pour autant, ces différences méthodologiques n’induisent pas nécessairement une plus grande pertinence arithmétique des coûts calculés par l’une ou l’autre de ces méthodes : la fiabilité du calcul des coûts complets repose dans tous les cas sur la pertinence des clés de répartition et des inducteurs utilisés pour répartir les coûts indirects (activités indirectes et Kostenstellen).


Les bénéfices spécifiques apportés par la méthode ABC par rapport à une comptabilité analytique plus classique comme la méthode Kostenrechnung résident dans le fait que :


  • Un modèle ABC permet de construire un lien de causalité entre les postes de dépenses et les produits, en s’appuyant sur le coût des processus (activités) de l’organisation

  • Comme exposé ci-dessus, grâce à l’approche ABC, le « costing » devient un sujet technico-économique. La méthode ABC a ainsi la vertu de faire collaborer efficacement les équipes du contrôle de gestion avec les équipes opérationnelles.

  • La normalisation de la méthode ABC, notamment lorsqu’elle s’appuie sur un référentiel d’activités structuré (ex : référentiel du CIGREF des coûts informatiques), permet plus facilement la comparaison inter-structure des coûts dans une démarche de benchmark. L’approche ABC permet ainsi d’identifier plus facilement les pistes d’amélioration et de mesurer dans le temps les impacts de leur implémentation.


Par ailleurs, la méthode ABC a vocation à enrichir le modèle analytique pré-existant, plutôt que de s’y substituer totalement. Ainsi, les approches classiques par périmètre de responsabilité budgétaire peuvent être conservés et enrichies des analyses par activité et service.


La méthode ABC est un levier efficace pour passer d’une comptabilité analytique de constat à une comptabilité analytique d’action, en fournissant les pistes d’analyse par processus qui vont permettre de définir et de mettre en œuvre des plans d’amélioration de la performance, puis de de mesurer leur efficacité.


 

Pour plus d'informations, contactez-nous ici ou via l'adresse mail contact@cost-house.com

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