Par Guilhem ROUX, Associé Cost House France
Un constat classique des organisations « en réseau » est une délégation forte de responsabilité sur les antennes locales avec un siège concentré sur le régalien, des activités transverses réduites à l’essentiel et les programmes marketing. Dans ce contexte, l’impulsion d’un programme de compétitivité par les fonctions supports peut souvent être vu comme une gageure avec des risques de rejet fort par les opérationnels de terrain conjugués à des moyens centraux limités.
Pour illustrer le caractère fréquent du constat, quelques exemples de secteur d’activités concernés : services à la personne, services aux entreprises (maintenance, propreté, sécurité, comptabilité, …), hôtellerie et résidences de tourismes, construction, etc. Tous ont en commun d’avoir des centres de profits parfois en centaines dont les managers locaux pilotent le P&L en autonomie incluant une proposition externalisée. Cette part sous-traitée est parfois significative en coûts ou en valeur perçue par le client final, c’est-à-dire qu’elle jouera considérablement dans sa fidélité ou sa capacité à recommander l’entreprise.
Nous nous appuierons dans cet article sur une série de missions réalisées dans un intervalle d’une quinzaine de mois. Notre client nous sollicite alors avec un constat simple et classique : la qualité perçue d’une prestation majoritairement sous-traitée dans ses sites baisse alors que son coût devient de plus en plus important dans les P&L locaux. Le sponsoring de l’intervention est donc assumé par la direction Achats avec un appui fort de l’équipe opérationnelle et une participation active du COO en comité de pilotage.
L’équipe projet est constituée de Cost House, d’un responsable achats par la suite rejointe par une deuxième personne et d’un responsable du pilotage d’exploitation.
Notre approche s’est décomposée en 3 temps avec une implication de plus en plus forte du terrain et une posture Cost House passant petit à petit de l’action et la conception à l’accompagnement et l’aide à la prise de recul.
Phase 1 : Diagnostic
Nos équipes ont effectué plusieurs déplacements de terrain pour rencontrer
Les managers opérationnels locaux
Les chefs d’équipe
Les agents internes ou externes
Le travail de bureau s’est concentré sur les analyses achats et économiques
En sortie de cette phase, nous avions constitué un premier panel d’outils
Vision terrain de la valeur créée et des attentes selon les zones géographiques
Typologie des fournisseurs (gammes de prestation, zones d’opération, exemples d’organisation)
Classement interne des fournisseurs selon des axes coûts et qualité
Structure de coûts type appuyée sur les mesures terrain, nos abaques et benchmarks
Nos équipes étaient prêtes à engager les premières rencontres fournisseurs.
Phase 2 : Pilote
L’objectif de cette phase était d’opérer un biseau dans une optique agile « on apprend en marchant » :
Notre équipe animait les premières rencontres fournisseurs pour roder le dispositif et lançait le mouvement en éprouvant puis améliorant ses outils
Puis l’équipe interne achats prenait petit à petit la main pendant que nos consultants faisaient évoluer l’outillage méthodologique en conséquence de ces premiers retours.
Le livrable en sortie était l’arsenal méthodologique destiné à être partagé avec les managers de terrain. Il aura ainsi avant sa sortie publique bénéficié de plusieurs itérations.
L’équipe projet a donc durant cette phase conçu un guide complet de négociation:
Une liste d’éléments à collecter par les managers locaux en préparation de la rencontre et notamment une grille de décomposition des coûts à faire remplir par les fournisseurs
Une base de coûts de référence (coûts unitaires des ressources, de l’outillage, des transports, des fonctions transverse, ratios d’encadrement) non partagée avec les fournisseurs mais destinée à les challenger
Une trame d’entretien qu’elle s’est astreinte à suivre pour l’éprouver avant que les opérationnels de terrain non coutumiers des achats puisse la déroule
Pendant ce temps, l’équipe achats préparait les documents de procédure interne (mise au panel, notations, alignement avec la qualité client, …) et mettait à sa main les supports de communication qu’elle allait exploiter par la suite en autonomie.
Nous arrivions ainsi à la fin de la phase 2 avec
Une boite à outils éprouvée
Le nécessaire procédural
Les retours d’expérience des premières négociations
Une équipe achats motivée ayant elle-même menée les derniers échanges
Et bien sûr des premiers gains !
Avec tous les voyants au vert, la généralisation du dispositif fut approuvée.
Phase 3 : Généralisation
L’heure des négociations à grande échelle : plus de cent directions opérationnelles, expertes dans leur métier mais sans culture achats, à embarquer avec uniquement deux personnes de l’équipe achats du siège dont une seule allouée à plein temps !
Comme souvent, l’industrialisation une fois le processus éprouvé est affaire de méthode et de pilotage des écarts. La réussite de cette phase a bien tenu à ces deux facteurs :
le guide de négociation robuste construit lors des phases précédentes
le suivi de l’équipe achats. L’un des deux acheteurs a appelé l’intégralité des managers de terrain engagés dans la phase de négociation et s’est rendu disponible pour toute question
L’aspect méthodologique pur n’est jamais l’alpha et l’oméga d’une transformation. L’implication de l’équipe centrale achats, libérée par la démarche de la conduite unitaire des négociations et donc pouvant se concentrer sur l’accompagnement, a été clé. En complément et sans fausse modestie, l’accompagnement de l’équipe achats par nos équipes fut également décisive car apportant des temps « tête hors du guidon » et un recul sur la démarche.
Un exemple de prise de hauteur : vous n’aurez pas l’intégralité de vos managers de terrain qui adhéreront à la démarche, pour toutes les raisons que l’on peut imaginer de freins au changement ou de nécessité opérationnelle indiscutablement légitime. Cela n’est pas grave ! Ce programme conçu avec une approche itérative est également lui-même un processus itératif. L’année suivante apportera son lot de nouvelles satisfactions pour les managers « early adopters » capitalisant en année 2 sur leur première expérience ainsi que son lot de nouveaux convaincus par les succès et l’implication de l’équipe achats qui aura encore amélioré ses outils.
Conclusion
Ce programme achats a bien été vu comme un sujet de transformation à grande échelle. Non évoqué dans cet article, il a également apporté d’autres éléments novateurs en termes de qualité de prestation, d’harmonisation des procédures opérationnelles des sous-traitants, de repositionnement des chefs d’équipes internes et même un changement organisationnel au sein du groupe avec la nomination d’un expert transverse pour sécuriser ces gains opérationnels.
Pris sous ce prisme, un éclatement de la structure d’achats dans la couche opérationnelle (car concrètement, ces managers de terrain étaient sans le savoir eux-mêmes des acheteurs à temps partiel) ne saurait être un frein à une politique de gains, et ce tout en maintenant un ratio coûts des achats sur montants achetés très compétitifs !
Pour plus d'informations, contactez-nous ici ou via l'adresse mail contact@cost-house.com
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