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Modèle économique ABC pour DSI

Par Jorge VICENTE, Consultant Cost House France


Jorge VICENTE, Senior Manager Cost House France

Introduction


Le pilotage de la performance économique est devenu un enjeu clé pour les Directions des Systèmes d'Information (DSI). Elles doivent être en mesure de présenter les coûts complets des services qu’elles fournissent. L’approche Activity Based Costing est un moyen de répondre à cette problématique. Cet article vous propose une présentation de cette approche au travers d’un cas pratique.


Ainsi, après avoir défini succinctement l’approche, nous aborderons sa mise en œuvre et l’illustrerons par un exemple concret. Pour finir nous verrons comment produire et analyser les résultats du modèle.


L'ensemble de cet article présente la démarche ABC dans un contexte Système d'Information (SI). Toutefois cette démarche est applicable à tout secteur d'activité et à toute organisation (Industrie, Energie, Banque/Assurance, ...).



1. En quoi consiste la méthode ABC ?


ABC signifie Activity Based Costing ou calcul de coûts complets s’appuyant sur les activités. Il s’agit d’une méthode de modélisation des coûts structurée en 4 niveaux :

  • un niveau « Ressources »

  • un niveau « Activités »

  • un niveau « Services »

  • un niveau « clients »


ABC Activity Based Costing

Que représentent ces 4 niveaux ?

  • Les ressources sont l’ensemble des dépenses SI de l’entreprise, ce niveau représente la vue comptable des coûts. On y retrouve les frais de personnel, les amortissements, les achats externes, etc ; 

  • Les activités correspondent à toutes les tâches opérationnelles et infrastructure au sein de la DSI comme le support, la maintenance corrective, les serveurs ou encore le stockage ;

  • Les services sont toutes les prestations informatiques mises à disposition par la DSI. On y trouvera les services de type bureautique comme les PC fixes ou mobiles ainsi que les applications gérées par la DSI comme le CRM, l’ERP ou bien les applications métiers. Les services sont également l’ensemble des projets pilotés par la DSI ;

  • Enfin les clients sont tous les consommateurs des services SI. Ils peuvent être de différentes natures en fonction de l’organisation de l’entreprise.




Le principe de la méthode consiste à déverser successivement 100% des coûts sur les 4 niveaux en considérant que les ressources sont mobilisées par les activités, que les activités produisent les services et que les services sont utilisés par les clients. 



Cette approche crée un lien de causalité logique entre les 4 niveaux puisque les clients consomment des services, les services consomment des activités, les activités consomment des ressources. Ce principe de consommation permet de répondre à la problématique fondamentale du pilotage économique SI:

  • La vision « ressources » correspond à un pilotage budgétaire : on identifie et on contrôle les dépenses.

  • La vision « services » donne les clés pour un dialogue vertueux entre la DSI et ses clients.


Cependant, l’affectation directe des ressources aux services pour valoriser ces derniers pose problème. En effet, la plupart des ressources SI ne peuvent pas être affectées directement à un service. Lorsqu’on achète une ressource de stockage par exemple, il est souvent impossible de savoir à quel service affecter cette ressource au moment où on la constate.


L’introduction d’un étage intermédiaire « activités » permet de résoudre cette problématique : on sait associer les ressources aux activités et la consommation des activités par les services se mesure au travers d’inducteurs techniques qui font intervenir les responsables opérationnels SI dans le processus de « costing ».


La vision « activités » permet ainsi une mesure de la performance opérationnelle et ouvre la porte à des démarches de benchmarking. 




Un modèle de coûts ABC relève donc d’une démarche « technico-économique » qui fait travailler de concert les opérationnels SI avec le Contrôle de Gestion.


Le modèle économique ABC est au service des acteurs de la DSI. Avec ce modèle, le contrôleur de gestion assure le pilotage budgétaire, mesure les écarts et identifie les leviers de productivité. Les clients comprennent le coût des services que la DSI leur facture, les opérationnels SI pilotent la performance de leurs activités et le directeur du SI peut enfin sortir de la logique « DSI = Centre de coûts » pour devenir fournisseur de services à valeur ajoutée. 




2. Comment mettre en œuvre la méthode ABC ?


La démarche complète peut être exécutée en 8 étapes. Pour cela, il faut disposer d’un outil de calcul des coûts dans lequel l’ensemble du modèle économique sera créé et configuré. Nous verrons ici les principales étapes et en quoi elles consistent.


Il est bon de rappeler que la mise en oeuvre d'un modèle économique ABC SI est un travail d'équipe qui s'articule entre la Direction Financière (Contrôle de Gestion) et la DSI (Opérationnels SI).



  1. La 1ère étape consiste à identifier l’ensemble des clients de la DSI. Comme nous l’avons vu, ce sont tous les consommateurs des services SI.

  2. Ensuite, il faut construire le catalogue des services SI produits et mis à disposition par la DSI. Cette étape est essentielle puisqu’elle structure l’offre produits et services de la DSI. Elle fera intervenir les principaux acteurs de la DSI, comme les responsables applicatifs, les managers ainsi que les responsables de la production.

  3. A l’étape 3, il s’agit de définir le référentiel d’activités de la DSI, c’est-à-dire l’ensemble des activités humaines et infrastructure réalisées au sein du département. Dans un contexte SI, le modèle d’analyse des coûts informatiques du CIGREF pourra servir de référence.

  4. L’étape 4 consiste à analyser et structurer les sources techniques et financières du modèle économique. Il s’agira essentiellement de mettre en place un outil de suivi des temps et structurer la comptabilité pour importer l’ensemble des dépenses dans le modèle.

  5. A l’étape 5, il est alors possible d’affecter les dépenses aux activités et ainsi calculer leur coût total. Cette tâche consiste essentiellement à associer les temps passées des équipes (donc la masse salariale) et les autres écritures comptables (achats externes, dotations aux amortissements, ...) aux activités du modèle.

  6. Il est ensuite nécessaire de collecter les inducteurs d'activité c'est à dire le vecteur technique de consommation des activités par les services (ex: nombre de Go de stockage consommés par chaque application SI). A cette étape, l’interaction des équipes financières et opérationnelles devient cruciale. Ce sont ces échanges qui apportent la richesse technico-économique au modèle de costing. L’allocation des coûts se fera donc à l’aide des éléments techniques (inducteurs) apportés par les opérationnels terrains comme les responsables de production, les managers équipes supports, etc.

  7. Lorsque tous les inducteurs sont collectés, les coûts complets des services SI peuvent être calculés. Par exemple : le coût complet d’un PC mobile ou encore le coût complet d’une application métier. Avec le coût complet des services, il devient possible d’instaurer un dialogue vertueux avec les clients dans une optique de régulation de la demande. Les clients se rendent compte des coûts SI associés aux exigences de qualité de service ou aux demandes de projets.

  8. Enfin, sur la base du coût complet des services, il est possible de facturer les clients en fonction de leur consommation effective de services. Pour cela, nous verrons que l’usage d’unités d’œuvre de consommation sera essentiel.

Tous les résultats du modèle pourront ensuite être exploités dans l’outil de calcul ou dans un rapport BI spécifique. Les données du modèle pourront également alimenter une étude de benchmarking.



3. Cas pratique


Pour illustrer la démarche, prenons l’exemple simplifié d’une DSI souhaitant mettre en place un modèle de coûts basé sur une approche ABC.


Cette DSI a d’abord identifié ses clients, il s’agira ici de 2 filiales à qui elle souhaite refacturer ses services.


Elle a également construit son catalogue de services composé de 3 services :

  • Email pour gérer les emails

  • CRM pour la base client

  • ERP pour la comptabilité


L’exemple ici est très simple puisqu’une DSI peut proposer plusieurs dizaines voire centaines de services.


Cette DSI a ensuite défini son référentiel d’activités : une activité de support, une activité de maintenance corrective, une activité de stockage et une activité logiciel. Ici encore notre exemple est très simple puis qu’une DSI gère en moyenne une cinquantaine d’activités.


A l’étape 4, une analyse de l’ensemble des dépenses a permis de structurer les coûts en 3 catégories, des frais de personnel, des achats externes non amortis et des dotations aux amortissements. Ces dépenses sont respectivement de 400, 300 et 300 k€ pour un total de 1 million d’euros.


Les ressources sont affectées aux activités consommatrices grâce à l’outil de saisie des temps, à l’identification des factures dans la comptabilité et à l’analyse des amortissements dans l’outil de gestion des immobilisations. Par exemple ici, la masse salariale (400 k€) est affectée aux activités humaines en fonction des temps passés des équipes (3/4 pour le support et 1/4 pour la maintenance corrective).




Après l’étape 5, 100% des ressources, c’est-à-dire 1 million d’euros, a été affecté aux activités.


L’étape 6 consiste à identifier et valoriser les inducteurs d’activités. Dans notre exemple les équipes ont défini les inducteurs suivants :

  • nombre de tickets pour l’activité Support ;

  • affectation directe jusqu’aux services pour les activités Maintenance Corrective et Logiciel ;

  • nombre de Go de stockage pour l’activité de Stockage


Après la collecte des inducteurs d’activités il est désormais possible de valoriser les services. Ces derniers recevront des coûts de support en fonction de leur consommation de tickets, des coûts de maintenance corrective en fonction du temps passé des équipes de maintenance, des coûts de stockage en fonction de leur consommation de Go et enfin des coûts de logiciels en fonction des acquisitions de licences correspondantes.


Dans l'exemple ci-dessous les services Email, CRM et ERP consomment respectivement 10, 40 et 50 mille Go. Ces services supporteront donc les coûts de stockage proportionnellement à leur consommation de stockage, c'est à dire 20, 80 et 100 k€.



Lorsque l’ensemble des coûts des activités a été affecté on obtient le coût complet des services. Par exemple, le coût complet de l’ERP est de 440 k€, ce montant correspond à l’ensemble des coûts des activités que l’ERP a consommées.


La dernière étape est la refacturation des clients. Ces derniers seront facturés en fonction de leur consommation effective de services.


Pour cela, une unité d’œuvre de facturation est définie pour chaque service. Dans notre exemple, le service Email ici sera consommé en fonction du nombre de boites email dont dispose chaque filiale ; le CRM en fonction du nombre d’utilisateurs de l’application et l’ERP en fonction du nombre de factures.



Dans l'illustration ci-dessus le service Email est refacturé aux clients en fonction du nombre de boites email dont ils disposent, soit 40 k€ pour la filiale A et 60 k€ pour la filiale B.


Lorsque l’ensemble du modèle est valorisé il existe un lien de causalité entre les coûts des différents niveaux du modèle.



Ci-dessus le coût total du CRM de 460 k€ est composé de l’ensemble des coûts d’activités nécessaires à sa production soit :

  • 180 k€ de Support;

  • 100 k€ de Maintenance Corrective;

  • 80 k€ de Stockage

  • et 100 k€ de Logiciel


Par déduction, il est possible de calculer que le CRM consomme 230 k€ de personnel, 50 k€ d’achats et 180 k€ d’amortissement.


En fonction du volume de consommation il est également possible de calculer le coût unitaire du CRM. Dans notre exemple ce service coûte 2.000€ par utilisateur.



4. Calcul ABC et rapports BI


Pour exécuter le calcul, un moteur de calcul ABC devra être alimenté par les données de la saisie de temps, les montants de la comptabilité, les inducteurs techniques et les volumes services. Avec ces données le moteur valorise successivement les ressources, les activités, les services et les clients.



Nous obtenons ainsi une matrice à 4 dimensions qui pourra être exploitée pour l’analyse du modèle. Après ce calcul les résultats pourront être analysés dans dans un outil de costing comme Valoptia.ABC ou dans un outil de DataVisualization comme Power BI, Tableau Software ou Qlik Sense par exemple.


Dans l'exemple de rapport Power BI ci-dessous nous retrouvons les 4 dimensions de l’ABC : les ressources, les activités, les services et les clients.



L’analyse du coût complet des services permet de comprendre leur composition dans le détail, par activités Logiciel, Support, Maintenance Corrective et Stockage mais également par ressources Achats Amortissement et Personnel. La facturation des services est expliquée et justifiée grâce aux liens de causalité induits par le modèle.


Conclusion


Comme nous l’avons vu, l’Activity Based Costing est une méthode de calcul de coûts complets qui s’appuie sur le processus de production des services. Les coûts ne sont donc plus l’affaire des seules équipes financières mais s’appuient sur un échange permanent entre celles-ci et les équipes opérationnelles.


Retrouvez les modèles économiques ABC sur les sites Cost House et Valoptia.


Découvrez cet article en vidéo :

Première partie

Deuxième partie


A propos de l'auteur:

Jorge VICENTE


Depuis qu’il a rejoint Cost House en 2014, Jorge a déployé plus d’une dizaine de modèles de costing IT auprès de grandes DSI de secteurs variés.



 

Pour plus d'informations, contactez-nous ici ou via l'adresse mail contact@cost-house.com

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