Par Rafik Ben Khalifa, Senior Manager et Jade Dougnac, Consultante Cost House Suisse
La performance économique d'une organisation se mesure en fonction de sa capacité à générer de la valeur, à maintenir sa rentabilité et à assurer sa pérennité à long terme. L'optimisation des coûts opérationnels joue un rôle crucial dans ce processus.
Dans cet article, nous examinerons comment la méthode Activity-Based Costing (ABC) permet de décomposer les coûts et d'identifier des leviers de performance pour une gestion efficace des ressources. Nous verrons, à travers des exemples concrets, comment cette méthode aide les dirigeants à prendre des décisions éclairées et alignées avec les objectifs stratégiques.
Analyse des coûts et consommation des ressources
L'approche ABC commence par une analyse détaillée de la consommation des ressources au sein de l’organisation. Traditionnellement, les entreprises utilisent la comptabilité analytique dite « classique », qui répartit les charges indirectes selon une vision purement organisationnelle, par centre de coût ou section analytique, et selon des critères parfois arbitraires comme les volumes de production ou le chiffre d’affaires.
Cette approche purement comptable ne permet pas de cerner les complexités des processus de création de valeur et leurs impacts économiques. Un produit peu complexe et vendu en grande quantité supportera une part excessive de charges indirectes, tandis qu’un produit complexe et vendu en petites quantités se verra imputer moins de ressources qu’il n’en consomme réellement. On parle alors de subventions croisées, causant une distorsion dans les calculs de coûts de revient pouvant conduire à de mauvaises décisions.
La méthode ABC, quant à elle, ne répond pas seulement à la question « Qui consomme quoi ? », mais aussi à « Comment les ressources sont-elles consommées ? ».
Evaluation des activités de la chaîne de valeur
La méthode ABC repose sur un second axe d’analyse indépendant de la structure organisationnelle : l’axe des activités. Cet axe permet de mieux comprendre l’impact de la chaîne de valeur sur le coût de revient et de réaligner les ressources sur des processus critiques.
Concrètement, cet axe va permettre d’identifier l’impact des coûts des unités fonctionnelles sur l’ensemble des processus de l’organisation, qu’il s’agisse de :
Métiers et exploitation : activités liées directement à la production de biens ou services.
Support opérationnel : activités de support au processus de production (entretien et maintenance, gestion de la qualité, sécurité et sûreté, …).
Processus transverses : fonctions transverses de l’organisation (RH, Finances, Juridique, IT, …).
Chaque processus regroupe un ensemble d’activités pour lesquelles il est nécessaire de déterminer :
L’enjeu stratégique : identifier les activités qui soutiennent la stratégie de l’entreprise.
Par exemple, une entreprise de services peut considérer son centre d’appels comme une activité essentielle. Assurer des ressources suffisantes pour ce service permet d’améliorer la satisfaction client et de renforcer la fidélisation.
Le niveau de valeur ajoutée : évaluer si le client est prêt à payer pour une activité spécifique. Si ce n'est pas le cas, les coûts associés doivent être limités car ils ne contribuent pas à la création de valeur.
Par exemple, une entreprise de production pourrait déterminer que l’emballage standardisé de ses produits n’a pas d'impact direct sur la satisfaction client et envisager de réduire les coûts associés.
Grâce à cette analyse, des benchmarks internes et externes peuvent être établis pour identifier des leviers d'optimisation des ressources, tels que l'évaluation stratégique des choix entre l'internalisation et l'externalisation (Make or buy).
Pilotage des coûts
L’étape suivante consiste à piloter les activités de la chaîne de valeur, en identifiant ce que l’on souhaite analyser en termes de coût complet. La méthode ABC permet de répartir les coûts directs et indirects sur des objets de coûts spécifiques tels que les produits, services, projets, clients ou encore canaux de distribution. En décomposant les coûts par activité, cette approche permet de mieux comprendre la rentabilité de chaque objet de coûts et d’ajuster les stratégies en conséquence.
En outre, le pilotage basé sur la méthode ABC permet d’identifier les coûts indirects qui peuvent être excessifs ou non justifiés. Si un canal de distribution particulier entraîne des coûts logistiques très élevés sans apporter un volume de vente suffisant, il pourrait être pertinent d’envisager de réduire ou de rationaliser ce canal. Ce pilotage stratégique assure une utilisation optimale des ressources et renforce la capacité de l’organisation à allouer les ressources là où elles apportent le plus de valeur.
Stratégies d’amélioration de la performance
L'un des principaux avantages de la méthode ABC est qu’elle permet d’identifier et d’activer des leviers de compétitivité concrets. Voici quelques stratégies courantes :
Optimisation de la fonction Achats : rationaliser les achats permet de réduire les coûts sans compromettre la qualité, grâce à des solutions de sourcing alternatives.
Lean Management : utiliser les principes du Lean Office ou du Lean Six Sigma pour éliminer les inefficacités et améliorer la qualité des processus, afin de réduire les coûts et améliorer la satisfaction client.
Automatisation des processus : intégrer la Robotic Process Automation (RPA) pour automatiser les tâches répétitives, accélérer les délais de traitement et réduire les coûts.
Politique commerciale et tarification : revoir les stratégies de pricing sur la base des analyses de coûts de revient issues de la méthode ABC et des attentes du marché.
Design to Cost (D2C) et Invest to Cost (I2C) : ces stratégies consistent à fixer des coûts cibles dès la phase de conception (D2C) ou lors de l'investissement (I2C) afin de mieux contrôler les dépenses tout au long du cycle de vie du produit ou du projet.
Intégration de la méthode ABC dans un mode agile
Pour tirer pleinement parti de la méthode ABC, il est important d'adopter une approche itérative et agile, inspirée de la roue de Deming ou du DMAIC (Define, Measure, Analyze, Improve, Control) du Lean Management. Cela permet d’ajuster les stratégies en fonction des résultats obtenus, assurant ainsi une gestion dynamique des coûts et une adaptation aux fluctuations du marché.
L’optimisation des coûts opérationnels ne se limite pas à une réduction ponctuelle des dépenses et repose sur l’activation de leviers de compétitivité pour renforcer la performance économique. En adoptant une approche intégrée, fondée sur l’analyse des processus et la priorisation des activités stratégiques, les organisations peuvent réorienter leurs ressources vers des initiatives à plus forte valeur ajoutée.
Les stratégies abordées dans cet article (Lean Management, Automatisation, Design to Cost, etc.) offrent non seulement des gains de performance, mais renforcent également la satisfaction client et la rentabilité.
En intégrant cette logique de performance et en adoptant des pratiques agiles, les organisations optimisent l’allocation de leurs ressources, garantissant ainsi une compétitivité durable et une capacité d’adaptation face aux évolutions du marché.
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