Par Olivier BRONGNIART, Président Groupe Cost House
Je suis régulièrement interpelé par des clients ou collaborateurs sur le nom du cabinet : « Cost House ». Dans un premier temps, le mot « Cost » emporte toute l’attention et le cerveau, qui fonctionne par rapprochements et connexions successifs, tel un GPS qui envoie sur un chemin de terre pour gagner quelques hypothétiques secondes, propose « Cost Killing ». La douce maison protectrice et structurante est ainsi remplacée par un tueur !
Réhabiliter le mot « coût »
La « maison des coûts » (en français, l’ordre des mots porte tout le sens du concept originel) est une démarche d’analyse des coûts et de structuration des chantiers de compétitivité qui a été formalisée dans l’ouvrage publié en 2003 par les fondateurs du cabinet, juste avant le lancement de notre activité. Le sous-titre était « Comment réduire vos coûts […] sans licencier ni délocaliser ». Les fondations de ce qui nous anime au quotidien étaient posées : comment améliorer la compétitivité des entreprises pour maintenir et développer l’activité et l’emploi dans nos territoires. A l’époque, notre énergie se focalisait sur l’industrie qui avait déjà subi les assauts de plus de trente années de désindustrialisation des pays occidentaux. Mais aujourd’hui, ce combat doit être mené dans tous les secteurs d’activité de notre économie.
Guide Pratique de la réduction des coûts, Editions DEMOS - Sept. 2003
Notre conviction est que la maîtrise des coûts ne doit pas être ignorée, ni même stigmatisée. Le mot « maîtrise » doit être considéré dans son sens étymologique premier, qui vient du latin « magister » (celui qui enseigne et comprend le comportement de l’objet de son enseignement). Ainsi, la « maîtrise des coûts » ne peut se rapporter à l’expression « couper dans les coûts ». La « maîtrise des coûts » induit la compréhension des mécanismes complexes qui lient la réalité quotidienne de l’entreprise, l’éventuelle dimension technologique de son activité et la dimension économique. Celui qui « maîtrise les coûts » se libère du carcan financier et peut prendre des décisions « économiques » éclairées. Pour conclure cette introduction avant de partager quelques retours d’expérience, rappelons que l’origine étymologique d’économie vient du grec oikos, la maison et nomos, gérer ou administrer. « Cost House » est donc peut-être un nom bien choisi ?
Quelques exemples de réalisations porteuses d’emploi
Après cette introduction qui pose le cadre théorique de notre propos, venons-en à présent à la réalité de ce que peut engendrer une véritable démarche de maîtrise des coûts au sens défini précédemment. Nous avons choisi pour illustration trois exemples de démarches :
Le benchmark des fonctions supports d’une entreprise
La décomposition de coût technique d’un produit manufacturé
La simulation économique d’entreprise
Chacun de ces exemples montre que l’amélioration de compétitivité d’entreprise n’est pas mécaniquement liée à une réduction des effectifs où à la recherche d’une zone à faible coût de main-d’œuvre. J’ai eu l’occasion de développer cette démonstration notamment dans l’ouvrage « Performance Economique Responsable », publié en 2012, co-écrit avec Marc Jacouton, expert en RSE (Responsabilité Sociétal de l’Entreprise – Développement Durable). Si les objectifs d’une organisation s’inscrivent dans le moyen ou le long terme, alors les leviers de compétitivité sont compatibles avec ceux préconisés par une démarche RSE.
Exemple n°1 : benchmark des fonctions supports d’une entreprise
Nous sommes en 2018 dans une ETI ayant une activité mixte industrielle et de services. Nous sommes sollicités pour réaliser un benchmark de compétitivité sur les fonctions supports de l’entreprise. Pour cela, nous remportons l’adhésion des dirigeants pour adopter une démarche de benchmark « opérationnel » plutôt que « sectoriel ». Pour être plus précis, nous écartons les classiques ratios généraux au chiffre d’affaires (ex : coût du système d’information rapporté au chiffre d’affaires, coût de la fonction finance rapporté au chiffre d’affaires) qui n’éclairent en rien sur la compétitivité des équipes informatiques ou financières, au profit d’une approche de coût par activité opérationnelle (ex : coût du traitement d’un appel au support informatique de niveau 1, coût de traitement d’une écriture comptable manuelle …).
Nous nous appuyons alors sur le référentiel publié par la DFCG en 2015 de benchmark des fonctions transverses.
Référentiel de benchmark des fonctions transverses DFCG - Décembre 2015
L’analyse détaillée du positionnement de cette entreprise démontre qu’elle doit renforcer notamment sa fonction Achat (1 recrutement à lancer avec des perspectives de gains très rapides pour l’entreprise), sa fonction Contrôle de Gestion ; pour la Direction des Ressources Humaines, la répartition des coûts entre les activités « à faible valeur ajoutée » – telle la gestion de paie – et les activités « à forte valeur ajoutée » – tel le recrutement, la formation ou le dialogue social – incite la Direction à faire monter en compétence ses équipes vers ces activités.
Exemple n°2 : décomposition de coût technique d’un produit manufacturé
Premier rendez-vous chez un industriel du bassin de Saint-Etienne, et une réponse qui sonne comme une porte fermée : « vous arrivez trop tard, on va délocaliser la production de nos pièces injectées plastiques en Chine ». Nous proposons alors à titre commercial – la décision n’est pas encore prise de façon ferme – d’étudier le dossier sous couvert d’un accord de confidentialité. Nous collectons plans, estimations de coûts et devis détaillés et convenons de revenir 10 jours plus tard. Notre travail de décomposition de coût analytique du premier composant candidat à la délocalisation est sans appel. Il y a beaucoup mieux à faire et ce, avec le fournisseur actuel, qui est à 300 m de l’usine !
Illustration presse d’injection plastique
Que découvre-t-on en effet dans le devis réalisé pour convaincre l’entreprise à une délocalisation ? des erreurs sur des poids matière (le poids net et le poids engagé), une estimation de réduction de temps de cycle d’injection incompréhensible, aucune prise en compte des coûts indirects de pilotage d’une production lointaine chez l’industriel concerné et enfin, aucune estimation du risque de change sur l’approvisionnement ! La chance étant avec nous, en 10 jours, le cours euro / dollar connait un sursaut qui absorbe le gain présumé affiché dans le devis. Nous exposons tout cela à l’industriel et proposons une démarche de « design to cost » (conception à coût objectif) avec le fournisseur actuel, en mettant déjà sur la table des pistes de reconception de la pièce permettant des gains importants sur la matière. La pièce restera en France.
Exemple n°3 : simulation économique d’entreprise, une approche 4.0
Notre dernier exemple est lui aussi industriel : un groupe international se pose la question du maintien de ses usines en France, avec un raisonnement qui ne s’appuie que sur une vision « taux horaires ». Nous argumentons sur la faiblesse d’une telle analyse et le besoin d’asseoir une telle décision sur une vision de coûts complets calculés sur les processus opérationnels de l’entreprise (approche « activity based costing »). Nous proposons donc de réaliser un modèle de coût virtuel de l’entreprise, simulant la réalité des sites actuels en France, puis de simuler la transposition dans un pays d’Europe de l’Est, mais en intégrant l’ensemble des dimensions : productivité des opérateurs, coûts logistiques, délais, …
Méthode de simulation économique par activité
Le résultat de nos travaux démontre rapidement que le chemin « évident » est une impasse. La délocalisation n’est pas la solution car le taux horaire n’est en fait pas le problème. Le problème trouve sa source dans deux causes : le manque d’espace dans l’atelier qui pénalise la productivité et le manque d’investissements. Nous décidons alors d’orienter nos travaux vers un 3ème scénario : la construction d’une nouvelle usine. Et deux ans plus tard, le Premier Ministre vient inaugurer une usine qui fait la fierté du groupe concerné.
Une conclusion ?
Faut-il ajouter des mots à ces exemples que nous avons vécus et qui donnent du sens aux efforts quotidiens que nous réalisons avec nos clients ?
Ne pas aller trop vite dans ses décisions, comprendre, écouter, décomposer, simuler, ne pas suivre une mode, oser faire différemment, autant de pistes à explorer pour nos entreprises et ceux qui les incarnent.
Pour plus d'informations, contactez-nous ici ou via l'adresse mail contact@cost-house.com
Comments