Par Karim FAIDI, Associé Cost House MEA (Middle East Africa)
Un ancien Directeur Achats d’un grand groupe du CAC 40 aimait dire : l’avenir des achats, c’est l’approvisionnement. Derrière cette assertion, se cache la réalité d’un processus séquentiel qui porte des limites :
Des acteurs nombreux ;
Des rôles & responsabilités dilués ;
Des préoccupations diverses ;
Une boucle de contrôle très longue ;
L’accès à l’information aléatoire ;
...
Si la maturité de la fonction « Achats » se mesure aujourd’hui à son niveau d’intégration en amont du besoin, sa capacité à construire des partenariats en se basant sur la structure des coûts fournisseurs, son aptitude à sourcer de nouveaux acteurs innovants et à porter tout au long de la chaîne de valeur d’approvisionnement la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (RSE), force est de constater que les processus « Procurement to Pay » continuent à présenter des difficultés plus ou moins importantes en fonction des entreprises comme le montrent nos retours d’expérience :
Délais de traitement et donc de paiement importants ;
Coût excessif de traitement d’une facture ;
Hétérogénéité des pratiques entre sites ou directions ;
Existence de dépenses hors contrat ou hors budget ;
Persistance des traitements manuels et du papier ;
Absence de contrôle et de visibilité sur les dépenses ;
Qualité et cohérence des données (fournisseurs, bons de commande, factures,..) ;
Défaut de communication et de transparence entre la Finance et les Achats ;
Risques de fraude et de détournement ;
Fiabilité du contrôle budgétaire, des provisions d’arrêté et des estimations de dotations pour les investissements ;
………………….
La problématique de l’outillage
Quand on questionne les Responsables Comptabilité Fournisseurs ou Directeurs Achats à propos de la source de leurs douleurs, la majorité répondent qu’il s’agit d’abord d’un problème dû au système d’information. Comme trop souvent, c’est la faute de l’informatique !
Pourtant, il s’agit d’un processus assez standard avec un marché « logiciel » mature, sur l’ensemble des briques de la cartographie applicative de la fonction Achats, qui va des ERP, aux solutions spécialisées en passant par des outils Open Source ou des outils innovants développés par de jeunes startups.
Or, les études montrent que la maturité de déploiement dans les organisations achats n’est pas forcément optimale :
Si la mise en place d’un outil « Procurement to Pay », avec ou sans OCR (Optical Character Recognition) ou RPA (Robotic Process Automation) est un atout majeur pour l’efficience du processus, la mise en place d’une organisation adaptée, de processus « Lean » et de référentiels cohérents et fiables sont des pré-requis nécessaires pour garantir la performance du dispositif.
Une question d’organisation d’abord
Nos retours d’expériences mettent en exergue des modèles d’organisation du processus « P2P » très différents : décentralisation au plus près du terrain, centralisation avec ou sans CSP (Centre de Services Partagé), partielle ou totale…
Ces modèles ont du sens dans leurs contextes respectifs, ils répondent à des enjeux business et reflètent pleinement la culture d’entreprise. Ils influencent également sensiblement le partage des rôles et responsabilités tout au long du processus.
Toutefois, et quelle que soit l’organisation choisie, il faudrait tenir compte d’un certain nombre de règles de base dont la séparation des fonctions, la mise en place de points d’entrée uniques, la réception en amont par les prescripteurs ou ordonnateurs, ……. Ci-dessous une proposition organisationnelle à adapter en fonction des organisations :
Une question de processus avant tout
"Il n’y a rien de plus inutile que de faire avec efficacité quelque chose qui ne doit pas du tout être fait" Cette citation de « Peter Drucker » reflète parfaitement certaines pratiques qui minent un processus « sensible », ou la tentation de multiplier les contrôles, la documentation, les signatures …. en plus des ruptures de chaîne, de la multiplicité des outils, des fichiers bureautiques,………….
La mise en œuvre d’une démarche « Value Stream Mapping », basée sur la cartographie des étapes du processus et leur temps d’exécution, l’identification des Qwick Wins et l’analyse des causes racines des dysfonctionnements (Ishikawa,..) permet de mener la chasse aux gaspillages et de simplifier le processus sur la base des bonnes pratiques « métiers » :
Généralisation, à chaque fois que c’est possible, de contrats cadres, référencements, catalogues,………. ;
Définition de la bonne granularité des lignes budgétaires. La mise en place de budgets de contingence ou d’enveloppes peut être plus efficace et agile que de vouloir figer des lignes budgétaires et passer son temps à faire des transferts inter-lignes ;
Responsabilisation des équipes opérationnelles et mise en place de schéma délégataire adapté aux enjeux. Il ne sert à rien de multiplier les niveaux de signatures et les parapheurs jusqu’à la Direction Générale pour des montants peu significatifs ;
Transformation « automatique » des Demandes d’Achat en Bons de Commande, sur l’ensemble du périmètre budgétaire (y compris des Bons de Commande ouverts pour les charges variables) ;
Traduction « parfaite » des engagements contractuels dans les Bons de Commande (multiplication des lignes par code article, par phase projet pour les forfaits,…..) ;
Réception (partielle ou totale) en amont dans le SI de la Marchandise ou de la prestation, par les équipes opérationnelles ;
Matching automatique des factures avec les engagements et la réception. Une dépense engagée par le bon niveau hiérarchique, réceptionnée et dont la facture est conforme n’a aucune raison de circuler pour une énième validation !
La fluidité de ce processus, passe bien évidement par un outillage adapté (comme expliqué plus haut), mais aussi par des référentiels fournisseurs, codes articles, comptes comptables (attention à la segmentation fonctionnement / investissement),…….. fiables et mis à jour régulièrement de manière sécurisée.
L’instauration de rituels de management visuel, comme l’Obeya, permet de rappeler et de clarifier les objectifs, décider au quotidien, travailler ensemble et comprendre la charge.
Des indicateurs de pilotage
Compte tenu de la multiplicité des intervenants et de la séquentialité du processus, il est nécessaire de mettre en place une communication appropriée à l’attention de l’ensemble de ces acteurs qui s’appuiera sur des indicateurs de pilotage de la performance. Cette communication est d’autant plus importante que des engagements réciproques doivent être pris dans le cadre d’un contrat de services (SLA).
Les indicateurs visent à mesurer la performance des processus et son évolution de façon objective. Certains permettent de disposer de moyens de détection et d’alerte en cas de dysfonctionnement à un stade du processus.
Les principaux indicateurs du processus Procurement to Pay tournent autour de la volumétrie, des délais, du coût, de la productivité et des risques (litiges,..).
Inscrire la démarche sur la durée
Nos retours d’expérience sur des projets de refonte du dispositif « Procurement to Pay » font ressortir des gains significatifs en termes de délais de traitement, de charge de travail, de productivité et de sécurisation du dispositif.
La réalisation d’un diagnostic flash tout au long de l’organisation et de la chaîne de valeur, permet d’identifier les douleurs, de les prioriser et de structurer le plan d’action.
L’engagement du Management, l’implication de l’ensemble des parties prenantes et la mise en place d’une gouvernance resserrée font partie des principales clés de succès de ce genre de projets.
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